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Rappeur, acteur, l’artiste Younes accompagne désormais l’artiste Tif – crédit photo : Elisa Parron
Après la sortie de son dernier album Identité remarquable fin 2022, l’artiste Younes s’est lancé dans l’accompagnement artistique, au sein de son label HSH, cofondé avec l’artiste Tif et son frère. Il est aussi connu pour avoir joué dans la série Netflix, Drôle, sortie en 2022. Rencontre.
- À partir de quand as-tu commencé la musique ?
Y : J’ai commencé à faire de la musique lorsque j’avais 16 ans, j’étais en seconde. Ça fait 12 ans que je fais du rap.
- Tu as cofondé le label HSH avec ton frère et l’artiste Tif, en indépendant. Qu’est ce qui t’a donné envie de monter ce projet ?
Y : C’est la rencontre avec Tif qui a tout changé. Il m’a expliqué son projet, m’a fait écouter des morceaux et il a souhaité qu’on l’accompagne. Il y avait cette idée d’indépendance que nous on a déjà expérimenté naturellement mais il nous fallait un label pour mener à bien ce projet-là. On a donc concrétisé la chose. C’est un artiste qui avait cette mentalité, comme nous, de vouloir récolter les fruits de son taff.
- Tu parles d’expérience en tant qu’indépendant. Tous tes albums se sont faits en indépendant ?
Y : Je l’ai expérimenté sur mon premier EP Yoon on the moon, et j’ai kiffé. J’avais un producteur qui a mis un peu d’argent et on a produit le disque, mais c’était quelques milliers d’euros, pas grand chose, on bossait vraiment avec peu de moyen. Le reste de mes projets sont sortis sous le label de mon ami Riles (également artiste, NDLR), qui a aussi cette mentalité de l’indépendance.
- Est-ce que tu vois une différence dans la façon de composer de la musique ?
Y : Je trouve à titre personnel que t’es meilleur artistiquement parlant. T’as plus de liberté, de folie. Après, ça a un coût, c’est le choix le plus ardu mais le plus récompensé.
- Dans quel sens ?
Y : Dans le sens où ce n’est pas donné à tout le monde. Il faut avoir les moyens de l’indépendance, assumer ce que ça implique. Tu dois te retrouver à faire pleins de trucs mais tu es un peu plus fort, t’es un peu comme le maître de ton navire. Ça te permet de comprendre comment l’industrie fonctionne, tu captes tout. Tu vois tous les métiers autour du tiens. C’est comme au cinéma, si tu veux être réalisateur et que tu as vu tous les autres jobs autour, ça te sert forcément dans ta carrière.
- Quelles leçons justement, ça t’apporte sur l’industrie et son fonctionnement ?
Y : Dans la musique, l’ensemble des métiers sont des métiers de rapport de force. Si tu n’es pas en indé, tu peux avoir les mains liées, et il y a plus de chance qu’on t’influence vers des choses qui ne te correspondent pas. Et en tant qu’artiste, c’est risqué, ça peut te suivre toute ta carrière. Quand t’es indé, tu réfléchis librement.
- Au niveau de Tif, ta connaissance du milieu t’a-t-elle aidé pour l’accompagner ?
Y : J’avais des connexions oui. Mon expérience en tant qu’artiste m’a servi, au-delà même des contacts. J’ai pu lui apporter mon expertise sur les tournées, les médias.
- Niveau logistique, comment fonctionne un label indépendant, vous produisez tout vous même ?
Y : Notre label HSH, c’est une société d’associé. Nous devons tout produire et nous faisons notre propre marketing, avec nos moyens. On a par ailleurs un contrat de distribution, avec des partenaires qui press les cd et mettent la musique sur des plateformes. On a plus de taff, on pense toute la direction artistique, on écrit et coréalise les clips. Il nous arrive de travailler avec des attachés de presse, mais on démarche les nôtres. On n’a pas envie d’être partout, on prend le temps.
- Est-ce qu’il vous arrive de faire appel à des prestataires ou vous tenez absolument à tout gérer seuls ?
Y : Indépendant ne veut pas dire que tu ne vas pas bosser avec des partenaires ou sous traiter. Si tu aimes la vision de quelqu’un, tu peux l’intégrer au projet. Tu fais ce que tu veux.
- Qu’est ce que ça implique, un contrat de distribution ?
Y : On est signés chez Warner. Concrètement, le label nous donne une avance qui nous permet de produire de la musique et en échange, on rend un album qu’ils vont distribuer. Les bénéfices seront partagés à la fin. Tu as moins de pression. Tu discutes quand même avec la distrib, notamment sur des dates mais tu es plus libre qu’en contrat de maison de disques.
- Penses-tu que les maisons de disques ont trop de pouvoir dans l’industrie ?
Y : L’industrie s’est révolutionnée avec le streaming. Il y a 20 ans, la majorité des contrats étaient des contrats d’artiste. Aujourd’hui, si t’as le mental pour te lancer seul, il existe les contrats de distribution. Ça a remis du pouvoir dans les mains des artistes. Si demain je veux mettre de la musique sur toutes les plateformes je peux le faire pour 10 euros par mois voire par ans, et récupérer tout l’argent. Tu as plein de plateformes qui existent, comme Tunecore par exemple. Une fois que Spotify et les autres plateformes ont vraiment marché, les maisons de disque ont dû s’adapter. Ça a rééquilibré un rapport de force, et je trouve ça mortel qu’il y ait plein d’artistes capables de se lancer seuls. Après, les maisons de disque ne sont pas inutiles, elles ont de l’argent et certaines ont une vraie vision.
- Est-ce que le fait d’accompagner Tif te donne envie de manager d’autres artistes ?
Y : Je ne me destinait pas à manager des artistes de base, c’est vraiment la rencontre avec Tif, il y a eu un coup de cœur. Je n’exclue pas que d’autres rencontres me donne envie mais je ne suis pas dans la démarche d’aller chercher des talents, ce n’est pas mon corps de métier, j’ai aussi ma propre carrière à mener.
- Justement, c’est quoi la suite pour toi ?
Y : J’ai mis en pause ma musique. J’en avais envie, ça m’a permis de me libérer du temps. Je fais aussi un peu de cinéma et j’écris un livre. Je ne suis pas le seul manager de Tif, mon frère est là aussi donc je peux gérer mes priorités.
Propos recueillis par Léa Vincent