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Cécile Plancke a pu assister à l’explosion du rap français – photo transmise par Cécile Plancke
Attachée de presse depuis 10 ans dans le milieu du rap français, Cécile Plancke a pu assister à l’explosion de ce genre musical. Devenu un écosystème à part entière, la musique et l’image de marque d’un artiste sont indissociables.
- Pouvez-vous expliquer le rôle d’une attachée de presse et préciser depuis combien de temps faites-vous ce métier ?
C : Le cœur de mon métier est d’informer et convaincre les journalistes de communiquer sur tel ou tel artiste. Je travaille avec beaucoup de labels : Sony, Rush, Universal. Ils m’envoient un projet, j’écoute, et si je vois qu’il y a du potentiel, je prends. Je me pose deux questions lorsque j’accepte de défendre un artiste : est-ce que j’aime et est-ce que je peux l’amener quelque part, au travers des médias. Il y a de la logique et du cœur dans mes choix. C’est aussi un métier de débrouillard, tu vas parler à tout le monde, les médias, ton réseau, je donne même des contacts à mes artistes, par exemple de booker : tu montres la plus value de ton “game”. Ça fait dix ans que je bosse en tant qu’attachée de presse, spécialisée largement dans le rap, j’ai fait les premières promo de Hamza, ou encore Laylow.
- À quelle période selon toi le rap français est-il devenu le genre musical le plus écouté en France ?
C : En 2015-2016, à l’ère de PNL et de Jul. Ils ont réveillé l’industrie. Des maisons de disque comme Polydor, Columbia, qui est historiquement le plus vieux label, ont réalisé que des mecs comme Jul, que personne dans le grand public ne connaissait encore, pouvait vendre autant. Le rap est une cash machine, donc on signe.
- Justement, c’est devenu un modèle économique, avec des nouvelles formes de promo, où les réseaux sociaux ont une grande place, mais aussi des nouveaux métiers. Quel œil portez-vous dessus ?
Aujourd’hui la clé de la notoriété pour un artiste vient de plusieurs canaux : son attaché de presse et ses réseaux sociaux. La stratégie social média est étudiée. Tik-Tok c’est le giga nerf de la guerre. Pourtant, tout le monde n’est pas fait pour. Désormais, les artistes tease en avant-première des nouveaux morceaux sur la plateforme car ils ont mesuré sa force de frappe : ça leur permet derrière de gagner en nombre de streaming. Instagram, c’est un super outil pour créer son image de marque. Les artistes ont compris, que ce soit en maison de disque ou en indépendant, une chose essentielle : ils sont devenus un produit, une marque. Il faut nourrir un storytelling autour d’eux, montrer qui ils sont. Certains s’orientent sur la mode par exemple et vont être contactés par des maisons de haute couture. C’est le cas pour des rappeurs comme Dinos, ou encore Laylow. Tu as un marché, il faut te positionner. Rien ne sera plus efficace que de créer ta propre patte. En termes de métiers, il y a toujours eu les managers, les chefs de projet, les RP. Mais les planneurs stratégiques, ceux qui analysent les tendances et les partenariats marques, des boîtes de bureau de presse qui essayent de faire le pont entre la mode et la musique, c’est ce qui va se développer de plus en plus dans le futur.
- Pensez-vous que la popularisation du rap français est un phénomène voué à s’ancrer dans le temps ?
C : Le rap n’est pas prêt de partir, ça fait 30 ans qu’il est là. Musicalement, ça a beaucoup évolué, avec une diversité de sous-genre musicaux. En termes de reconnaissance, il y a toujours ce problème de musique légitime, non légitime. Mais en termes d’économie, il répond présent. Je pense que dans les générations futures, le rap sera une référence. comme ça l’a été à une autre époque, avec le rock. Dans trente ans, à mon sens, le rap sera une culture légitime sur tous les plans.
Propos recueillis par Léa Vincent